Les betteraviers Flamands

Depuis de nombreuses années, dès 1840 certainement, l’agriculture de notre région de Champagne a eu besoin de main d’oeuvre pour développer la culture de la betterave à sucre. Parmi les ouvriers venus de différents horizons (Italie, Espagne, Portugal…) les travailleurs flamands furent les plus fidèles dans les fermes des environs et c’est de génération en génération qu’ils vinrent prêter main forte deux fois par an aux agriculteurs. Des amitiés sincères se lièrent donc au fil du temps : les Flamands étaient appréciés autant pour leur courage et leur efficacité que pour la qualité de leurs relations humaines. En retour, il surent reconnaître le bon accueil des agriculteurs de la région.

Les betteraviers de Koekelare
La ville de Koekelare est située en Flandre Occidentale. Elle compte environ 8000 habitants. Après la Seconde Guerre Mondiale, à cause du chômage, quelques 800 personnes partirent deux fois par an, avec leur fameux baluchon et leur vélo, prendre le train à Lille (80km) pour se rendre dans notre région.
On imagine ainsi comment, toute une population s’est retrouvée impliquée dans ce processus de travail saisonnier.

Dure la culture…
Pour le démariage comme pour l’arrachage, on comptait en moyenne qu’un ouvrier pouvait faire 16 ares par jour soit environ 1 hectare en 6 jours.
Un homme faisait 6 à 7 hectares pour chaque période de travaux. Pour 1 hectare, il parcourait 22 kilomètres courbé, les mains au niveau du sol.
Comme pour un sportif de haut niveau, chaque jour d’effort se soldait par une perte de poids.
A Livry‐Louvercy, les saisonniers sont venus arracher jusqu’en 1961, démarier jusqu’en 1970. Quand la technique du semis s’est améliorée, on a pu se passer des betteraviers flamands.
Par concassage et polissage des graines, on réussit à produire des semences dont chaque élément ne produisait qu’une pousse. Le semoir disposait alors ces nouvelles graines bien calibrées tous les 45 cm tout en incorporant dans le sillon l’insecticide en poudre…
Ces techniques modernes se révélèrent très efficaces… et malheureusement pour les ouvriers saisonniers, très rentables.

L’arbre des betteraviers flamands
En 1993, M. Walter Holvoet, bourgmestre de Koekelare, était très sensibilisé à la condition des familles des travailleurs saisonniers de sa ville. Jeune vétérinaire, il se souvient être intervenu fréquemment, appelé par l’épouse d’un betteravier parti en France, pour un animal malade, souffrant généralement de malnutrition. Le Dr Holvoet n’était pas toujours payé mais il côtoyait ainsi ces familles qui menaient une vie assez rude à cause des absences répétées des hommes et des revenus irréguliers.
Ce n’est donc pas par hasard si c’est lui qui eut l’initiative de chercher en France des contacts pour essayer de mener des actions afin de garder la mémoire des ouvriers flamands.
Sur 800 travailleurs saisonniers de Koekelare qui passaient la frontière deux fois par an, une dizaine seulement partaient à destination de Livry-Louvercy dans 5 ou 6 fermes. Malgré tout, notre village a été remarqué par les anciens betteraviers de Koekelare pour la qualité de l’accueil et les amitiés solides qui s’étaient tissées au cours des nombreuses années de travail.
En discutant avec ses administrés ayant travaillé chez nous, M. Holvoet entendit parler d’un arbre en plein champ qui abritait souvent les betteraviers lors des pauses bien méritées.
Il prit contact avec M. Forge, maire de Livry-Louvercy, et au cours d’une sympathique cérémonie, en juillet 1993, l’arbre fut baptisé « Arbre des Betteraviers Flamands ». Une plaque commémorative fut fixée sur le tronc.

Le musée des betteraviers à Koekelare
Le jour de cette première cérémonie à l’Arbre, un peu de terre du pied de l’arbre fut symboliquement emportée à Koekelare. Elle est exposée depuis ce jour dans le musée des Betteraviers avec les photos de cet événement de juillet 1993.
Ce musée, situé en face de la mairie, retrace avec des mannequins grandeur nature, de nombreuses photos, des sculptures… la vie de ces travailleurs saisonniers. Une pièce a été aménagée avec des objets de l’époque.
Un film est présenté, les acteurs nous font revivre en direct le quotidien de ces hommes et de ces femmes.

Les monuments
Le 19 septembre 1999, après de nombreux contacts entre les deux communes, et toujours avec la même volonté de se remémorer l’histoire des betteraviers, on aménagea au pied de l’arbre un petit lopin de terre qui fut acheté par la commune de Koekelare. Cette transaction se voulait être le symbole d’amitié franco-belge dans une
Europe réunie.
Puis, on installa deux monuments sur la place du village, une statue ainsi qu’une stèle gravée à la mémoire des betteraviers flamands. La statue sculptée par un artiste flamand, M. Vermandere, représente un betteravier au travail avec un dos à la courbure douloureuse et deux mains puissantes touchant la terre.
Au cours de la cérémonie regroupant 400 personnes, on comprit que les liens tissés par les anciens étaient toujours très solides et qu’ils se transmettraient aux jeunes générations.

L’amitié franco-belge
19 septembre 2009…
Déjà 10 ans que le monument à la gloire de ces betteraviers flamands a été déposé sur la terre lilouvercienne.
Pour cet anniversaire, l’occasion a été donnée à tous les villageois d’accueillir les amis belges dans la commune et de leur rendre ainsi hommage.